Vendeur de rue souriant donnant un poulet rôti à un client dans un marché français

Argot : comment dire ‘poulet’ ? Expressions populaires et origines

12 octobre 2025

Certains termes d’argot survivent à travers les générations malgré l’évolution rapide du langage populaire. « Poulet », appliqué à la police, n’a jamais totalement quitté les conversations, alors même que ses significations et variantes régionales se multiplient.

À Paris, l’expression s’impose au début du XXe siècle alors que d’autres appellations concurrentes persistent ailleurs. L’origine exacte du mot suscite la controverse parmi les linguistes, entre anecdotes historiques et constructions collectives.

Pourquoi le mot « poulet » est-il devenu un terme d’argot ?

La langue française n’a jamais manqué de ressources pour bousculer l’ordre établi. L’argot, ce vivier de détournements, s’est emparé du mot « poulet » dès le XIXe siècle, l’installant dans le langage populaire avec une dose de moquerie, de familiarité et parfois un brin d’ironie. Ouvrez un vieux dictionnaire d’argot, Delvau, Rigaud, Larchey, et vous y trouverez « poulet » désignant tantôt un homme crédule, tantôt une fille légère, tantôt un agent de la loi.

Pourquoi la police ? L’histoire, savoureuse, prend racine sur l’île de la Cité. Après l’installation de la préfecture de police sur le site de l’ancien marché aux volailles, les agents héritent bien malgré eux de ce surnom hérité du voisinage. Un clin d’œil géographique, devenu arme de raillerie, qui s’est rapidement répandu dans l’argot du peuple et celui des voleurs. Un sobriquet qui permet, mine de rien, de tourner l’autorité en dérision sans la nommer.

Le bestiaire animalier irrigue le vocabulaire argotique depuis des lustres. « Poulet » côtoie ainsi « poule » (femme ou jeune fille), « coq » (homme fanfaron), « rossignol » (personne sans valeur, ou faux objet). Chaque animal, chaque image, porte son lot de sous-entendus, de codes sociaux, d’accents régionaux. L’argot populaire n’a pas son pareil pour recycler le quotidien et lui donner une charge nouvelle, tissée entre défiance, affection et ironie.

« Poulet » n’est pas un simple mot : c’est un clin d’œil qui traverse les générations, un surnom vivant, porteur de nuances. On y lit à la fois la défiance et la tendresse, le jeu et la provocation. L’argot, lui, continue de réinventer ses codes à chaque époque, en s’appuyant sur la force des symboles familiers.

Des expressions populaires pour désigner le « poulet » : tour d’horizon

Le bestiaire argotique : variété et finesse

La richesse du langage argotique moderne se révèle dans la multitude de variantes qui gravitent autour du mot « poulet ». D’un quartier à l’autre, d’une génération à l’autre, ces expressions racontent un rapport à la police, mais aussi une créativité collective. Chez les typographes, « poule mouillée » pointait la lâcheté, tandis que « poule de luxe » désignait la femme galante dans certains coins de Paris.

Voici quelques expressions courantes ou anciennes, qui illustrent l’inventivité autour du « poulet » :

  • Poule mouillée : née au début du XXe siècle, elle brocarde le manque de courage, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme.
  • Coq à pattes : moins répandue, surtout à Bordeaux ou Lyon, elle désigne la police avec une pointe d’ironie animalière.
  • Poule aux œufs d’or : expression détournée pour évoquer une source inépuisable… de procès-verbaux ou d’amendes.

Le langage populaire ne manque pas de ressources. Dans certains quartiers, on a parlé de « raban de Saint-Hilaire », expression disparue aujourd’hui, témoin d’un argot oublié. Montmartre a vu naître la « poulette », jeune fille effrontée issue du monde des cabarets. Ailleurs, on croise la « poule de nuit », variation régionale autour de la femme galante.

Ce foisonnement d’expressions rappelle à quel point l’argot moderne sait capter la couleur locale et les nuances sociales. Les mots bougent, s’adaptent, reflètent la vie des faubourgs, des métiers, des trottoirs et des zincs. Chaque quartier, chaque corps de métier, façonne sa propre façon de dire, et parfois de se moquer.

Origines et histoires insolites derrière ces surnoms

Impossible de parler de « poulet » sans replonger dans l’histoire urbaine. Le sobriquet, raconté et relayé par les chroniqueurs parisiens, naît au XIXe siècle sur l’île de la Cité, quand la police investit l’ancien marché aux volailles. Rapidement, le mot s’infiltre dans la rue, la presse, le théâtre, s’imposant comme un clin d’œil mi-sérieux mi-taquin.

L’argot des voleurs, étudié par Delvau et Rigaud, regorge de ces détournements animaliers : « rossignol » (pour le faux billet, ou pour désigner ce qui ne vaut rien), « raban de Saint-Hilaire » (le sergent de ville), « poule » (qui glisse de la jeune fille à la femme galante). La langue populaire s’amuse à brouiller les pistes, à transformer l’officiel en dérision, à faire d’un simple mot un signal de connivence.

Balzac, fin observateur des marges, s’est emparé de ces mots dans ses descriptions foisonnantes. Plus tard, Simon Boubée, dans son Testament d’un martyr, captera à son tour cette vitalité du jargon, à mi-chemin entre ironie et défi. Les dictionnaires d’argot, Delvau, Rigaud, Larchey, sont de véritables albums vivants de cette créativité, du Paris populaire aux villes de province.

Ces surnoms se transmettent, changent de forme, s’oublient ou reviennent. Le français d’argot, nourri de ruses et de clins d’œil, garde le parfum des marchés, des histoires murmurées à la sauvette, des brigades nocturnes.

Policier discutant avec des habitants près d un café parisien en journée

Comment ces expressions continuent d’évoluer aujourd’hui ?

L’argot moderne ne tient pas en place. Il se transforme, s’exporte, absorbe les influences étrangères venues d’Afrique, du Québec ou de Belgique. Les réseaux sociaux, la musique urbaine, les séries télévisées accélèrent la circulation des mots. À Paris, Lyon, Bordeaux, le « poulet » conserve son usage, mais se mêle à d’autres surnoms, preuve d’une langue qui ne s’endort jamais.

L’argot classique, loin d’avoir disparu, s’invite encore dans la bouche des plus jeunes, parfois par clin d’œil, parfois par habitude. Les mots se croisent : « bouffer », « clope », « boulot », « pote » ; mais aussi « wesh », « le sang », « kiffer », venus du verlan ou du maghrébin. Même la manière de désigner la police évolue, chaque génération empruntant ce qui lui plaît ou inventant ses propres codes.

Voici comment ces appellations se déclinent selon les régions et les influences culturelles :

  • En Belgique, « poulet » cède la place à « flic » ou « schtroumpf ».
  • Au Québec, on parle de « police », mais aussi de « cop », façon anglo-saxonne.
  • En Afrique francophone, d’autres surnoms apparaissent, souvent porteurs d’humour ou d’ironie.

La langue française trouve ainsi, dans l’argot, un terrain d’expérimentation et de connivence. Les mots du quotidien, la « bouffe », la « flemme », la « gueule de bois », se réinventent sans cesse, révélant des identités plurielles et mouvantes.

Le « poulet » a traversé les époques, changeant de plumage mais pas d’audace. Qu’on le croise dans un polar, sur un trottoir ou dans une chanson, il continue de rappeler que derrière chaque mot d’argot, il y a l’écho d’un peuple qui invente, détourne et s’amuse.

Articles similaires